272 LES NATIONS CHRÉTIENNES DES BALKANS en même temps qu’au sultan; — tout cela me paraît être d’une témérité inconsciente qui touche à la folie, et qui dénote un manque absolu d’entente et de plan d’ensemble. Enfin — argument décisif — les Jougo-Slaves ne disposent pas seulement de la peau de l’ours sans l’avoir conquise. Ils se la disputent. En effet, malgré les quelques signes, peut-être éphémères, de détente que j’ai soigneusement notés, il faut bien convenir que des haines implacables et vivaces existent encore entre nations slaves. Il faut se garder de se laisser prendre à des apparences passagères et de faire des synthèses hâtives. Seuls des Jougo-Slaves, les Croates et les Slovènes semblent vraiment faits pour marcher dès maintenant ensemble et s’unir de plus en plus étroitement. Ils sont tous placés sous le faisceau de sceptres du Habsbourg : la domination de Vienne et de Budapest modère leurs ambitions et les empêche de s’exaspérer jusqu’à rendre impossibles les concessions mutuelles, nécessaires dans toute entente entre voisins. Le Croate sait que le Serbe veut plutôt l’annexer que s’unir à lui. Le Serbe restera toujours pour le Croate un Oriental. Il est vraisemblable que la paix conclue entre eux ne sera pas de bien longue durée. Ou des différents religieux dans le royaume de Croatie, ou des conflits nationaux en Bosnie, ou