164 LA THÉORIE ET L’EUROPE disait Skobelef à un consul de France. C’est ainsi que M. Albert Sorel a pu écrire en 1878 : On peut dès à présent prévoir le moment où l’alliance (la triple alliance russo-austro-prussienne née en 1772 de la question d’Orient et fondée sur le partage de la Pologne) ayant tout absorbé autour d’elle, les alliés se retourneront les uns contre les autres et, subissant jusqu’au bout les conséquences des causes qui les avaient réunis, chercheront dans le sein même de l’alliance les éléments de nouveaux partages. Soulevée par la question d’Orient, la question po’onaise semble tranchée depuis 1815. Voilà un siècle que l’on travaille à résoudre la question d’Orient. Le jour où l’on croira l’avoir résolue, l’Europe verra se poser inévitablement la question d’Autriche (1). D’autres Russes souhaitent la destruction de l’empire austro-hongrois pour des raisons plus subtiles, que M. Anatole Leroy-Beaulieu résumait en 1888 de la façon suivante : L’empire des Habsbourg reste-t-il un Etat dualiste germano-magyar, c’est l’oppresseur historique des frères slaves que Moscou est appelé à délivrer. Tente-t-il de se transformer en fédération donnant à chaque individualité nationale une égale liberté, c’est un concurrent qui menace d’usurper vis-'à-vis des Slaves de l’ouest et du sud la mission dévolue de droit divin à la Sainte Russie (2). D’autre part, l’empire allemand a hérité des traditions de l’Etat prussien, grand organisateur de (1) La Question d’Orient au dix-liuitième siècle, 3e éilit., p. 280. (2) La France, la Russie et l'Europe, p. 78.