350 QUESTION DE MACÉDOINE Il faut que les conditions primordiales d’existence soient assurées aux Macédoniens et à tous les Slaves du Sud. Il faut que le Balkan slave ne soit pas transformé en une Inde germanique. Il faut que les nations jougo-slaves puissent se développer, se civiliser suivant leur nature propre, s enrichir aussi (1). Mais l’heure de la pleine indépendance politique et de l’union est loin d’avoir sonné pour elles : L’autonomie politique la plus large et même l’indépendance politique la plus complète ne suffit point pour sortir victorieusement de la lutte économique et de la dépendance intellectuelle allemande — écrivait en 1899 un Croate qui n’est certes point un timoré, Etienne Ra-ditch (2). Elles n’entraînent par elles-mêmes ni la prospérité nationale, ni le développement de la culture d’esprit national dans la littérature, dans les sciences et dans (1) Ici encore les capitaux français peuvent jouer un rôle prépondérant. (2) Stéfan Raditcli fut condamné, notamment, avant son séjour à Paris et à Prague dans l’affaire du drapeau magyar brûlé pendant le voyage de François-Joseph à Zagreb, et, depuis un an, par deux lois, lors des troubles de Zagreb, alors qu’il s’efforcait de réconcilier les Croates et les Serbes. Il me disait en songeant aux longs mois de recueillement forcé que lui imposèrent souvent les tribunaux de Croatie et ceux de Bosnie : « Tant qu’on n’a pas fait de prison, on n’a pas réfléchi; on n’est pas mûr. » Il a une âme d'apôtre et de martyr, mais il s’est imposé une étonnante modération de pensée. Je doute que tous ceux qui le traquent le connaissent vraiment. Plusieurs voient seulement en lui un carbonaro de second ordre. Ils se trompent étrangement.