108 LA GUERRE ET L'ITALIE bien : quel poète français (je parle, bien entendu, aux mêmes degrés de l’art), aura eu une intuition pareille, aura rien traduit d’équivalent à ces pressentiments de l’avenir qui se rencontrent presque à chaque page de son recueil des Laudi ? C’est lui qui, il y a déjà presque dix ans, entendait, dominant la rumeur des ateliers, « hurler la guerre. » C’est lui, qui, appelant aux armes la jeunesse italienne, lui proposait le programme que 1915 voit réaliser: « Pour la conquête de cette partie idéale, de la plus grande Italie, partez, préparez-vous... Il est de nombreuses aurores qui n’ont pas encore lui... » Même la divination se précisait (« les jours sont proches, préparons-nous à la sainte guerre »), au point que plus d’un trait de la guerre d’aujourd’hui se trouve déjà fixé dans ces poèmes anciens. « Ta guerre... Italie sacrée », dit un chant inaugural: et c’est le « Nostra guerra ». Plus prophétiquement peut-être encore (et beaucoup en ont été frappés), Ga-briele d’Annunzio avait annoncé le rôle que Vic-tor-Emmanuel III était appelé par la destinée à remplir dans la grande phase historique que nous traversons. Les «journées» romaines de 1915, que devait diriger le poète, se trouvent annoncées dans la fameuse ode « au jeune roi ». Et cette prédiction ne consiste pas, comme les centuries d’un