SENTIMENTS ET VOLONTÉS DE L'ITALIE 21 quelques élites, le sentiment de l’histoire anime l’Italie. Et il ne faudrait pas penser à la Vénétie et à la Lombardie seules, où le souvenir de l'oppression est évidemment demeuré plus vif et reste encore prochain. Plus d'un Milanais est né sous la domination étrangère. Plus d’un a entendu le cri : « Dehors les barbares ! » bien avant que la guerre de 1914 eût fait spontanément renaître, en Belgique, en France, partout, l’accusation de barbarie contre les Germains. A Milan, les luttes pour l’indépendance sont évoquées à tous les pas, presque à chaque pierre : le nom des rues lui-mème (telle la rue Mac-Mahon) rappelle ce passé. J’ai entendu plus d’un Milanais me dire : « Comment n’aurais-je pas été pour l’intervention, moi dont le père s’est battu en 1859 aux côtés de vos soldats ?... » Oui, le souvenir devait être plus puissant ici qu’ailleurs, mais il n’a été absent, en Italie, de l’esprit de personne : M. Sa-landra (il n’y a pas de meilleur exemple à citer) n’est ni Vénitien ni Lombard : il est de Bari, dans les Pouilles. C’est dire que la suggestion historique a agi sur tout le monde. On a même cru remarquer que, chez les adversaires de l’intervention eux-mêmes, il s’était trouvé des hommes qui ne pouvaient s’empêcher de songer aux années de croissance et de lutte du Piémont, années âpres