LA TRADITION NATIONALISTE 97 dans son Piémont étroit, aspirait déjà à une grande Italie. Nous prenons Leopardi pour le poète du pessimisme absolu, le poète du désespoir, du néant, du dégoût de toutes choses. Mais l’homme qui se nourrit de larmes, l’homme « mort spirituellement » songe-t-il au salut public, à la grandeur de la nation? Sent-il les maux de la patrie, vibre-t-il des haines et des espérances de l’opprimé? Ces sentiments, Leopardi les a pourtant éprouvés avec force, il les a traduits avec génie. C’est sur son ode fameuse « à l’Italie » que s’ouvrent ses poèmes. « 0 ma patrie!... Pleure, tu as bien de quoi, rnon Italie, née pour surpasser les nations... » Art et amour, gloire et patrie, on peut dire de Leopardi qu’il a connu les plus hauts objets qui donnent du prix à la vie humaine. Il s’y est attaché de toutes les forces de l’intelligence et de la passion. Il n’a pas cru seulement, il a éprouvé, il a su que cela valait la peine de vivre. Ce n’était pas d’un pessimiste incurable. Et ses vers, en effet, ont répandu la vie et engendrent encore l’action. Le cas de Giosue Carducci est peut-être le plus caractéristique de tous. Carducci aurait pu se vanter, à aussi juste titre que l’auteur des Odes funambulesques, de n’avoir jamais été qu’ « un poète lyrique ». Pourtant, sur toute sa carrière,