LA GUERRE ET L'ITALIE grelottait de froid sur le siège de la voiture où le reléguait par dérision M. de Montléart, époux de rencontre de la princesse de Carignan, oublieuse du sang royal. La Révolution française victorieuse régnait à Berlin et à Turin. Elle avait aboli l’indépendance, l’espérance, presque la vie de deux Etats. Cependant les familles royales en qui s’incarnaient ces Etats vivaient encore. Et grâce aux deux petits garçons de 1806, Prusse et Piémont devaient revivre et prendre une éclatante revanche des victoires napoléoniennes. Le sort s’était acharné contre Charles-Albert. Le sort et aussi la divination d’un homme. Met-ternich, qui avait prévu non pas peut-être tout, comme il s’en vantait, mais du moins beaucoup de choses, semblait avoir pressenti, en clairvoyant adversaire qu’il était pour l’unité italienne, la destinée de Charles-Albert, qui n’eut pas de pire ennemi jusqu’au jour où l'habile homme d’Etat jugea plus expédient de l’enchaîner par une promesse. Longtemps les Carignan furent rayés de l’Almanach royal de Sardaigne. Longtemps Charles-Albert eut à souffrir de-la haine et de la défiance de ses oncles avant de leur succéder. Mais sa devise n’était-elle pas : « J’attends mon astre? » Sa destinée devait avoir raison de tous les obstacles.