LA TSERNAGORA — DE KOTOR A PETCH 105 le corsage de Marie-Jeanne. Le Puma, dégoûté, s’est réfugié au sommet de la literie. C’est un moine du monastère de Daybalé. Nous avons quitté les provinces catholiques que nous ne retrouverons plus avant de longues semaines. La Tserna-gora est de religion presque exclusivement orthodoxe, et fleurie de monastères étonnants, comme celui d’Ostrog, dans la vallée de la Zêta, plaqué contre une falaise gigantesque. Nous laissons notre moine à l’entrée de Podgoritza et nous fumons chacun deux cigares, toutes fenêtres closes, pour noyer son odeur. La ville est une espèce de Cettigné, en plus étendu, et de la même banalité. Mais c’est jour de marché1 et la foule des paysans commence à envahir la place. Nous décidons d’aller à leur rencontre sur la route d’Andriyê-vitza par où ils affluent des riches vallées environnantes — cela peut vouloir dire à cinquante kilomètres de rayon. Ils viennent en caravanes pressées, la plupart à pied et par longues foulées, quelques-uns montés sur de petits chevaux ombrageux ou sur des ânes, d’autres entassés contre les ridelles de chariots primitifs, très longs et à roues pleines. Les vêtements sont tristes, de laine noire grossière ou d’une confection à bon marché. Rien ne distingue les hommes de l’ordinaire européen, si ce n’est la kapa, la ceinture et les opanké. Quelques-uns portent une sorte de turban fait de ces pechkirs dont je parlerai plus loin, serviettes de lin brodées de figures et de géométries. Us ont presque tous un parapluie passé horizontalement sur la nuque, comme les Asiatiques portent leur fusil. 1. Les marchés, dans tout le sud du pays, sont d’un tel pittoresque et transforment à ce point la physionomie des villes, que je crois nécessaire d’en indiquer le jour de la semaine, chaque fois que je le pourrai. A Podgoritza, le lundi.