30 L’ITINÉRAIRE DE YOUGOSLAVIE la faucille ou glaner sur les chaumes, sont vêtues comme des princesses du moyen-âge et forment sur la route un cortège de tournoi. L’étoffe la plus commune, dans tout le pays, est la toile de lin, que les femmes tissent elles-mêmes et dont elles font des vêtements qui varient par la forme, et par la couleur des broderies. Aussi, le blanc domine-t-il sur les routes, même chez les hommes, qu’il s’agisse des pierrots aux larges manches qui se pressent sur les bords du Danube ou des paysans en braies et jupon court des rives du Vardar. C’est déjà quelque chose des foules blanches de l’Asie musulmane et de l’Afrique du Nord. Mais l’influence byzantine et magyare a semé la toile de broderies : jonchée de fleurs de soie, comme à Zagreb; géométrie» ténues, comme en Dalmatie; feuillages de perles, comme dans la Krajina; animaux synthétiques, comme dans le Novi Pazar; gros point blanc sur blanc incrusté de paillettes d’or, comme en Slavonie; lourdes mosaïques de laine, comme dans la Serbie du Sud. ❖ * :îe Carrefour de l’Occident et de l’Orient, très européenne dans ses provinces naguère autrichiennes ou hongroises, plus turque que la Turquie dans ses provinces musulmanes, la Yougoslavie est, sans doute, le pays le plus passionnant de l’Europe. Il l’est par son extraordinaire variété, par l’ampleur et la sauvagerie de ses paysages, par sa population, enfin, travaillée par des influences millénaires qui ont donné à la race primitive des aspects innombrables. Je ne connais pas une autre région où l’on puisse quitter une ville d’architecture toute vénitienne, comme Raguse, et se trouver, une demi-heure après, dans l’enceinte turque de Trébigné, avec ses minarets et ses mai-