LA DALMATIE — DU VÉLÉBIT A ZARA 43 Dalmatie avec un réalisme impitoyable de marchand. Venise est bâtie tout entière sur les grands pins des anciennes forêts dalmates, rasées jusqu’aux souches. Elle n’a jamais pénétré fort loin dans les terres, que les Turcs occupaient jusqu’à Knîn, et même jusqu’à Kliss, à trois lieues de Spalato. La population est toujours restée slave, même dans les villes de la côte, quatre-vingt-seize pour cent en 1914. C’est ce qui explique le paradoxe de ces villes d’architecture vénitienne — Chibénik (Sébé-nico), Troghir (Traii), Split (Spalato), Makarska, Dou-brovnik (Raguse), Kotor (Cattaro) — où l’on ne parle que le serbo-croate et son dialecte, mâtiné d’italien. En 1805, Napoléon s’emparait de la Dalmatie qui, dix ans plus tard, passait à l’Autriche. Celle-ci l’occupait jusqu’en 1918, sans que son influence se soit en rien marquée dans le pays. Le traité de Rapallo rendait aux Slaves toute la province, à l’exception de Zara, la capitale, abandonnée à l’Italie, territoire minuscule enclavé dans les terres yougoslaves, derrière un triple rang d’îles yougoslaves. Folie politique plus grande encore que la cession de Fiume. Qu’on permette cet aveu à un homme qui aime passionnément l’Italie. * * * Il y a les Echelles de Cattaro, qui sont célèbres, mais il y a aussi celles de Makarska et celles du Vélébit, qui les valent bien. Ces dernières nous laissent glisser jusqu’à Obrovatz, qui est une petite ville propre, sans caractère, devant la boucle d’un fjord semblable à une rivière immobile.v La surprise de trouver en plein cœur de la montagne un cargo amarré contre le quai. Les flâneurs du dimanche somnolent à l’ombre des arbres, devant cette eau d’un vert de roche qui s’appelle, je crois, la Zrmanja. Les hommes ne portent plus