160 L’ITINÉRAIRE DE YOUGOSLAVIE Mosquée Peinte, la seule de ce genre en Yougoslavie. Elle est carrée, avec un grand toit plat, de tuiles rondes, un minaret fuselé et un portique ouvert, d’une dizaine de colonnes. Ce qui la rend unique, c’est qu’elle est peinte entièrement, à l’extérieur comme à l’intérieur, d’ornements, de floraisons et de paysages. L’extérieur transpose dans le monde de l’arabesque un Louis XV de fantaisie — les peintures datent de 1807 — surtout sous le portique à colonnes blanches où fleurissent de charmants vases d’un goût Trianon. L’intérieur est d’une grâce délicieuse, par sa fraîcheur, son coloris, son imagination printanière. Seuls, le mihrab (la niche rituelle) et le member (chaire à prêcher) sont de marbre blanc. Tout le reste est de stuc décoré de rosaces, de culs-de-lampe et de médaillons, d’un Louis XV venu du Bosphore, à l’inverse des turque-ries interprétées par Versailles. La corniche est décorée de panoramas en gouaches claires, qui figurent Cons-tantinople, ses quartiers étagés, la Corne d’Or et ses frégates aux voiles tendues. La coupole est feuillée d’acanthes et semée de médaillons ovales qui encadrent des jardins, des fontaines, des perspectives champêtres. Contre le mur de l’entrée, trois balcons ronds ont des encorbellements ouvragés comme une pâtisserie. Partout se retrouve le motif du portique : des vases remplis de bouquets minutieux, éclatants comme ces végétations de pierreries qui fleurissent au jardin des Mille et une Nuits. L’ensemble est blond et rose, doucement éclairé par des fenêtres à filigrane de plâtre. Que j’aime ces grandes salles de mosquées, couvertes tout entières de tapis précieux, fraîches et silencieuses. Elles n’ont rien de notre mysticisme nordique. Ce sont des salons de prière où l’on attend un Dieu vêtu comme un calife, cordial et souriant.