72 L’ITINÉRAIRE DE YOUGOSLAVIE les amitiés, le souvenir, les héritages, et non le goût du bibelot. Il y a des merveilles à côté d’objets sans valeur, de belles toiles anciennes voisinant avec des agrandissements photographiques, de vieilles tapisseries bosniaques et des carpettes de bazar, des porcelaines de la Compagnie et des faïences communes. Ce n’est pas ici l’appartement d’un amateur d’antiquités mais la maison d’un homme qui y est né, comme son père y est né, son grand-père et beaucoup d’autres. Certains furent marins de Raguse, et je touche avec émotion des étendards de poupe pris aux galères de Venise. — Ceci est le portraito de l’emperor Massimiliano. Il a été l’ami de ce malheureux Habsbourg, de l’archiduc Rodolphe, assassiné à Mayerling, de sa femme, Stéphanie de Belgique. Il n’a jamais connu Maria Vetchera, dont il ne parle que du bout des lèvres. — Una pauvre bambina... Je vois la chambre où a couché Marmont, celle de lord Byron. — Voyez, caro poéta, cette lettera... C’est une lettre que sa grand’mère écrivait à sa mère à elle au moment où Byron avait annoncé sa visite. Elle est en français, dans le style guindé qu’on affectionnait à cette époque : Je suis vivement curieuse de voir cet homme si célèbre par ses aventures amoureuses, mais vous pouvez être sûre, Madame, que les conseils de sagesse que vous m’avez donnés me mettent à l’abri de ses entreprises. Comme on la sent déjà dans les griffes de Child Ha-rold ! et quel jeu de séduire les femmes quand on en a la réputation ! Il dormait dans un lit empire très étroit. Rien de la couche tumultueuse de don Juan. Le mobilier est sévère. Le lustre est une couronne métallique piquée de bougies, que j’ai retrouvée dans les monastères du