34 L’ITINÉRAIRE DE YOUGOSLAVIE chênes, sapins, noyers. Mais l’horizon de la mer est rempli par des îles qui se superposent, en bleus toujours plus pâles, jusqu’au gris de perle. Ce paysage insulaire suit la côte, d’ici à Raguse, plus de neuf cents îles et îlots de calcaire étirés sur près de cinq cents milles. La mer, fermée de tous côtés, semble toujours un lac. Le ciel repose sur des eaux tranquilles qui en reflètent les couleurs. La rive étage des gradins d’un mauve rosé, interrompus par de petites villes sans caractère, stations de bains pour une bourgeoisie économe : Bakar, au fond de son fjord, grise et feuille-morte; Crkvenica et sa place de dimanche banlieusard ombragée de vieux peupliers; Novi qui sommeille devant un lac maritime, son campanile vénitien tout frémissant de cloches. Ce sont maintenant des collines pierreuses, d’un blanc cru, tombant à sec dans la mer, quelque chose comme les calanques de Marseille, entre la Madraque et Sormiou. L’étroit chemin qui sert de route ondule entre des murs de pierres sèches, qui ne protègent que des terres avares où croissent le chêne nain et l’arbousier. Au bord du flot, de longues échelles sont dressées obliquement au-dessus de l’eau. Ce sont les observatoires des pêcheurs de thon. Le guetteur, installé tout en haut, sur une banquette primitive, signale l’approche des thons qu’un large filet rabat vers la terre. Senj n’a qu’un vieux château pour le sauver de la médiocrité balnéaire. L’ennui somnole sur le quai et les barques d’un petit port qui fut jadis un repaire de pirates. Les Uskoks ont donné bien du mal à la Sérénis-sime République. Leurs descendants sirotent des limonades à l’eau gazeuse sous des acacias-boules. Un idiot en guenilles nous présente une danse obscène qui scandalise ces fils de forbans. Nous quittons la mer pour escalader la Kapéla. C’est la