110 LA GUERRE ET L'ITALIE aux présages, se seront répété ces vers, au mois de mai, tandis que l’orage des émeutes populaires semblait se former sur Rome. « La sainte guerre », disait Gabriele d’An-nunzio près de dix ans avant qu’elle ne dût éclater. C’est la guerre d’où l'Italie sortira plus grande, plus forte, égale à ses destins, telle que l’ont vue en rêve les patriotes du passé, ceux qui sont morts à ses débuts modestes, ceux qui n’ont pu assister qu’aux premiers pas de sa croissance, mais qui croyaient quand même à son avenir, qui, dans le germe, apercevaient l’arbre. A cet égard, la guerre de 1915 est, pour l'Italie, le résultat de cent années d’idéologie et de passion nationalistes. Elle est la fille de la philosophie et de la littérature, une conception créée en commun par tous les nobles esprits et les belles imaginations d’un peuple. Il était naturel que l'Italie, éveillée à la conscience d'elle-même par le livre d’une confiance presque mystique où Gioberti lui avait révélé sa « primauté », tandis qu'elle était dans la servitude, fût encore guidée par la poésie, le jour où elle affirmerait devant le monde ses droits et ses devoirs de grande nation.