12 l/lTlNÉRAIRE DE YOUGOSLAVIE l’anachronisme, plante toutes les époques en un décor extravagant, de marbre, de bois, de granit, de briques et de dorures. Vérone, un dimanche. Tout le monde est en uniforme. Les bébés s’en vont au pas, en colonnes par quatre, et saluent à la romaine; les ballilas vont en cohortes; les milices font l’exercice. La vieillesse a cela de bon qu’elle vous dispense du service militaire. Vicence et ses Palladio. On dirait qu’on tourne les pages d’un Vitruve. Tous les architectes d’Europe, et même d’ailleurs, sont sortis pendant plus de trois siècles de ces arcades et de ces colonnades. On les a tant vues qu’on ne sait plus qui a commencé. C’est ici, c’est Palladio. Padoue. Deux religions. Le paganisme, dans le temple d’Antoine. On s’étonne que, parmi les cierges, les lampes d’or et les ex-voto, par milliers, on ne sacrifie pas un bœuf ou un mouton, sur un autel sanglant. A l’autre bout de la ville, le christianisme ineffable, sur les murailles de l’Arena, les fresques de Giotto, peintes avec du ciel, livre d’images pour les anges. Venise... On ne peut plus rien dire de ce rêve de marbre flottant sur les eaux. Trieste. Nous entrons dans un monde nouveau. L’Is-trie, c’était encore l’Autriche slave, il y a vingt ans, comme la Croatie et la Slovénie dont elle est le prolongement. Les bourgs sont mâtinés d’italianisme et de Saint-Empire germanique, églises d’un baroque tout bolonais, fontaines à la manière d’Insbruck ou de Kla-genfurth, avec des lions tenant des écus. Le paysage prend peu à peu la physionomie calcaire de la rive adriatique orientale. La population de l’intérieur est nettement slave, en dépit d’une italianisation officielle de l’état-civil. Les Popovitch sont devenus par ordre Figliodiprete, les Yovanovitch se sont mués en Gio-