ZAGREB 285 N’importe, il en était ainsi en Dalmatie, en Slovénie, en Vieille Serbie, et les robes locales n’en ont pas moins disparu. Il est donc probable que tôt ou tard elles disparaîtront des autres provinces. Qu’on m’entende bien, ce n’est pas la tradition que je regrette ainsi, c’est la beauté, c’est la variété des formes et des couleurs. Le spectacle inoubliable du marché de Prizrèn ou de celui de Skoplié, que deviendra-t-il quand tous les hommes seront en chandail et toutes les femmes en sweater ? Aujourd’hui la Yougoslavie est encore le pays d’Europe qui offre le plus grand nombre de costumes régionaux, je parle, bien entendu, de ceux qui participent à la vie de tous les jours. Le musée de Zagreb, en dépit de sa richesse, est loin d’être complet, car si beaucoup de ses costumes ne se portent plus dans le pays ou ont perdu de leur beauté, en revanche un grand nombre d’autres ne figurent pas dans les vitrines. Je n’y ai retrouvé ni les vêtements des femmes catholiques de la Latchva et de Travnik, ni ceux des orthodoxes et des juives de Prizrèn, ni les corsages brodés de perles du Danube, etc. Il est peut-être temps que ces costumes encore vivants prennent leur place à côté des costumes morts. Armes, outils, bijoux, instruments de musique, meubles, maquettes d’habitations, rien ne manque dans ce musée d’un intérêt inépuisable. Marie-Jeanne s’attarde devant les travaux des femmes, qui sont présentés sur le métier. Elle s’exclame, ravie : — Regarde comment elles font la dentelle ! Elles se servent de longues épines au lieu d’épingles. Et regarde comme elles tissent ! Elles font des nœuds sur certains fils de la chaîne, comme si c’était de la tapisserie. Et regarde comme elles brodent! Elles tissent et elles brodent en même temps. C’est ça qui fait toutes ces petites