48 L’ITINÉRAIRE DE YOUGOSLAVIE de San Donato les ont réduits à de simples matériaux de construction. Partout, sur les parois et les cintres, on découvre des fragments d’inscriptions romaines posées verticalement ou sens dessus dessous. Telle frise ouvragée de rinceaux n’est qu’une pierre parmi les autres pierres, telle volute corinthienne sert de cale à une plinthe. Et, hien entendu, ce dédain des formes abolies leur a fait créer un chef-d’œuvre. Comme il fallait s’y attendre, les archéologues n’ont pas compris cette sublime leçon. De ce sanctuaire chrétien plein d’une foi destructrice, ils ont fait un musée. Ils ont rangé soigneusement, étiqueté, numéroté, des fragments antiques tout semblables à ceux dont les maçons du xe siècle avaient fait des moellons. C’est d’une tristesse sans mesure, celle de toutes les choses dont la vie s’est retirée. A la lumière, parmi de jeunes verdures, ces pierres romaines reprennent un peu de leur existence charnelle. Le chevet de San Donato est entouré d’un jardin des antiques que le soleil, réverbéré par les dalles, remplit d’une transparence dorée. Un sarcophage déborde de fleurs et de plantes vertes. Un oranger, sur sa tige flexible, a autant d’élégance que la statue de César adolescent qui se dresse contre la muraille nue. * * * Comme nous ne devons plus repasser en Italie au cours de ce voyage, nous consacrons nos dernières lires à bourrer les poches de la voiture de bouteilles de marasquin —■ la spécialité de Zara — de cigares hollandais, de chocolat suisse et de fruits confits, car dans cette ville sans douane, ouverte par nécessité aux marchandises du monde entier, tout est pour rien. Nous remontons jusqu’au poste frontière et prenons la