SKOPLIÉ 141 rie entêtée, avec ses ruelles de guingois, ses coupoles, ses minarets, ses cimetières herbus, ses jardins, sa tour de l’horloge, et ses antiques églises orthodoxes que les Turcs ont laissées intactes, comme à Petch, comme à Detchani. Au bord de l’eau gîte une de ces colonies juives venues d’Espagne à la fin du xv- siècle — on les appelle en Espagne sefarditas — qu’on retrouve un peu partout dans le bassin méditerranéen, particulièrement à Salo-nique. Elle parle un sabir hispano-serbe singulièrement juteux qui nous transplante Triana en pleins Balkans. Les femmes portent un riche vêtement semé de pièces d’or, qui les distingue des musulmanes et des autres. Ce sont peut-être ces différences de religion qui sauveront les beaux costumes de la Serbie du Sud. Ce sont elles aussi qui vous font passer sans transition d’un climat dans l’autre, quand on visite la ville turque au pavé déchaussé. Svéti Spas (Saint-Sauveur) est une petite basilique orthodoxe qui me fait songer aux humbles et richissimes monuments de Ravenne. Du dehors, ce n’est qu’une maison de paysan, sans étage, avec un toit de tuiles à la provençale. Mais on descend dix marches pour y entrer et l’église intérieure s’en élève d’autant. Elle est remplie tout entière par une iconostase de bois sculpté qui monte jusqu’au plafond, un patient travail d’artisans de génie, trois hommes qui se sont figurés, la gouge et le maillet en mains, sur l’un des panneaux. Dans un fouillis de végétations imaginaires et d’ornements d’un Louis XV exaspéré, s’incrustent des scènes de l’Evangile. Les colonnes, patiemment sculptées de pampres et de lierre, encadrent des grandes icones auréolées. La lumière qui descend de très haut par les petites fenêtres rectangulaires mélange doucement les rouges et les ors des peintures avec la couleur chaude