(Il L'ITINÉRAIRE DE YOUGOSLAVIE une nécropole de murs branlants, de fûts de colonnes, d’arcades chevronnées, de portes béantes — tout comme les gens de la Rome fasciste ont fait du cirque de Mar-cellus et des forums impériaux. Car ce genre d’idiots universitaires est de tous les pays du monde et ne peut, hélas! que se propager, la bêtise et l’impuissance ayant aujourd’hui des visages scientifiques. Pour achever ce malheureux péristyle, la politique a fourré là une énorme statue de Mestrovitch, une belle chose d’ailleurs, qui serait très belle n’importe où, mais qui écrase ce gracieux ensemble architectural. C’est une machine qui doit aller dans les neuf à dix mètres de haut, tout en bronze, avec un geste pathétique, au milieu d’une place de douze mètres sur trente : un salon ! Cela figure, sous les espèces de Grégoire de Nîn, la reprise par les Slaves de cette ville slave. La fausse interprétation du patriotisme, qui a brisé les lions de Troghir, abat sous ce colosse d’airain une intime et précieuse chose de pierre. Je sais que les archéologues de Split ont toujours protesté contre l’intrusion de cette statue. Mais je me doute bien que ça devait être pour creuser un trou à la place et exhumer quelques vieilles briques ou la base d’une colonne. Tout de même, on ne sacrifie pas un pareil décor, foncièrement latin d’ailleurs, à l’apologie du panslavisme. L’Autriche, qui a occupé cette ville pendant cent ans, n’a jamais songé à mettre un kaiser équestre au milieu du péristyle de Dioclétien, pas plus que Venise, en quatre siècles, n’y a installé un condottière de bronze. Il y a beaucoup de place sur le port pour la statue de Grégoire de Nîn. Il y affirmera bien mieux qu’ailleurs le retour des Slaves sur la rive adriatique. Et la petite place retrouvera sa grâce et son équilibre. Le reste de la ville a de jolies rues fantaisistes et une