212 l'iïINÉRAXRE DE YOUGOSLAVIE solée d’Oplénatz, près de Topola, où les Karageorge-vitch sont ensevelis, depuis Georges Pétrovitch, dit le Noir (Kara Georges) jusqu’à cet Alexandre l’Unificateur que l’incurie des gouvernants français laissait assassiner à Marseille, le 9 octobre 1934. Beaucoup de gens, même des Yougoslaves, m’avaient prévenu contre ce monument d’Oplénatz. Il ne crée rien, il ne fait que reproduire les églises à hauts tambours de l’ancienne Serbie, mais il rachète ce pastiche par la beauté des matières. Il est, extérieurement, de marbre blanc, avec des coupoles noir et or. L’intérieur est d’une grande richesse qui n’exclut pas le bon goût, les murs décorés de mosaïques précieuses qui reproduisent les plus belles fresques du pays. Les tombes des rois sont de simples cubes de marbre blanc, sans inscription. Alentour, contre les hautes colonnes qui supportent les voûtes, sont rassemblés tous les drapeaux des régiments serbes de la guerre. C’est à Topola, village au pied de la colline, que naquit Karageorges, le fondateur de la dynastie des rois serbes, aujourd’hui rois de Yougoslavie : un paysan, un éleveur de porcs, comme Pizarro, le conquérant du Pérou, un paysan roi d’un peuple de paysans. Je donne à ce mot son meilleur sens, celui d’homme attaché à la terre et qui sait la défendre. Il formule la mentalité de cette race patiente et guerrière, tenace et économe, capable de fertiliser une terre ingrate et de lutter six ans pour l’arrondir. Sur le flanc nord de la colline qui supporte le sanctuaire de la dynastie serbe, Alexandre a fait planter des vignes, comme un paysan qui ne veut pas que sa terre reste inféconde. Il y a là un émouvant symbole que je souhaite faire comprendre aux habitants des villes, qui ne savent pas que le pain et le vin ne sont pas seulement faits par le boulanger et le bistro.