274 L’ITINÉRAIRE DE YOUGOSLAVIE milieu d’une des pentes du toit, comme une cheminée interminable. Le soir tombe. Les cimetières, dans la montagne, s’illuminent de milliers de cierges plantés autour des tombes. On fête ici les morts dès la veille, tout comme chez nous, mais c’est une fête de la lumière. Comme il n’est pas six heures, nous décidons de continuer aux phares. C’est une aventure dangereuse car la route n’est qu’un étroit chemin qui escalade la montagne. La vieille forêt du Ylasitch oppresse la nuit. Un tourbillon de feuilles mortes neige sans arrêt dans le fuseau des phares. A droite, la pente abrupte, à gauche, le vide sans parapet, et la terre est détrempée. Dans un tournant nous dérapons sur la glaise, la voiture se met en travers et reste suspendue au-dessus d’un précipice où gronde un torrent. Je n’ai jamais vu la mort d’aussi près. Ce n’est pas grand’chose, au moins pour soi-même. Une heure pour nous tirer de là. Nous repartons, pour trouver un peu plus loin une poutre qu’on a placée en travers de la route. De chaque côté, des fourrés épais. —- Enfin ! les bandits ! s’écrie Marie-Jeanne. Rien ne bouge. Il s’agit d’enlever cette poutre ou de rebrousser chemin en marche arrière, car il est impossible de tourner. La première formule nous semble encore préférable à l’autre. Nous descendons de la voiture, nos revolvers au poing. Comme la porte est restée ouverte, le Puma s’évade et grimpe dans un arbre. Nous en oublions les bandits. Nous nous épuisons en paroles mielleuses pour le faire descendre. On ne voit que son ventre blanc, très haut, à la fourche de la première branche. Il doit follement s’amuser. Nous sommes là, au pied de l’arbre, un colt et un browning en main, comme des chasseurs de chats. Il nous faut ouvrir une boîte de sardines pour le déci-