SOUCHAK ET TRSAT 19 sons les unes sur les autres. Le palais du Gouverneur est croché dans la roche comme un nid de faucon. Ce ne sont que rampes et escaliers, boueux ou poussiéreux, selon le temps. Ville sans caractère, comme presque toutes celles de la Croatie. Au moins, celle-ci a son excuse : elle ne peut faire mieux. A l’est, sur la route de Bakar, elle commence à se fleurir de jardins et de villas. Cela ressemble à la banlieue de Toulon, les îles d’en face, Krk1 et Cherso, fermant une immense rade, comme les collines du cap Sicié. Tout de même, ce n’est plus un faubourg, et l’entêtement slave finira peut-être par creuser la montagne pour y bâtir une ville. * * * J’ai trop aimé Gabriele d’Annunzio pour ne pas aller voir ce château de Trsat2 que son aventure romanesque a transformé en acropole. C’est tout en haut de la montagne qui domine Souchak et le profond ravin de la Riyetchina, le torrent frontière. Il y a là une église blanche, comme je les aime, toute blanche et ingénue. Elle est dédiée à Notre-Dame de la Mer. Les murs et les piliers sont couverts de ces peintures naïves, dans des cadres dorés, où l’on voit un navire frappé de la foudre, et la Vierge, dans un nimbe rayonnant, qui tend la main à un naufragé. J’y ai même trouvé un ex-voto fait de coupures de journaux américains, apporté là par un rescapé du Titanic. Rien n’est plus mélancolique que le bois touffu qui entoure le château, un bois d’essences résineuses, qui a peut-être été un parc. On y a transporté, je ne sais quand ni pourquoi, le monument que les armées de 1. Prononcer Keurk, en faisant rouler l’r. 2. Prononcer Tcursat, comme ponr Krk.