204 L’ITINÉRAIRE DE YOUGOSLAVIE C’est au nord de la ville que s’étend sur un plateau et dans une dépression de terrain le Champ des Merles, la plaine tragique qui a vu la bataille de Kossovo, la fin du grand empire serbe de Douchân. Le 28 juin 1389, le roi serbe Lazare était vaincu par le sultan Mourad. Les Turcs allaient étendre leur pouvoir jusqu’à l’Adriatique. Ceux qui ne comprendraient pas l’importance que je donne à cette date historique doivent apprendre ce qu’elle signifie pour nous. Une effrayante fatalité semble attachée à ce funeste jour du Yidovdân. Pendant des siècles de domination turque les Slaves du Sud l’ont célébré par des cérémonies de deuil. Au cinq cent vingt-cinquième anniversaire du Vidovdân, l’Autriche, afin de mortifier les Serbes de Bosnie, choisissait ce jour-même pour la joyeuse entrée du prince-héritier à Sarajevo. Le 28 juin 1914, François-Ferdinand tombait sous les balles de Princip, Serbe de Bosnie. On sait comment ce coup de revolver fut le signal de l’incendie qui a mis le feu à l’Europe. D’ici, près du tourbé de Gazi-Mestân pacha, qui domine le Champ des Merles, je découvre non seulement les tombes éparses des Turcs morts dans la bataille, mais aussi, bien plus loin, les mille cimetières de la Flandre, de la Champagne et de Verdun. Près de Rachka nous entrons en Serbie. Depuis 1815, cette province de l’actuelle Yougoslavie s’était libérée du joug ottoman. Elle était devenue une principauté vassale de la Turquie. Celle-ci maintenait encore des garnisons dans les citadelles, mais la Serbie avait son prince héréditaire, son parlement et ses lois. En 1867,