BELGRADE 217 village à la serbe, avec deux ou trois rues modernes. On trouve encore en beaucoup d’endroits cet ancien aspect de la ville, et même, dans une rue du quartier de la Save, j’ai vu des poules picorer sur la chaussée. Mais la capitale de la Serbie étant devenue celle de la Yougoslavie, une légitime ambition s’est emparée des Belgradois. Ils ont voulu créer une grande ville d’aujourd’hui. Ils n’ont pas réussi. Ils sont allés trop loin et pas assez. Le modernisme timide des rues du centre ne rachète pas l’officiel à colonnades du quartier ministériel. C’est dommage, car le site est un des plus beaux qui ait été donné à une ville. On s’en rend compte dans le jardin du Kalémegdân qui fait une proue rocheuse au-dessus de l’énorme confluent du Danube et de la Save. La ville est bâtie sur une croupe, entre ces deux fleuves dont le plus petit est aussi large que la Seine à Rouen. On disposait d’une plate-forme magnifique, devant une immense étendue. On n’a rien fait de mieux que les désolants quartiers neufs de Madrid et de Bruxelles, la Gran Via et l’ancien Caudenberg. La rue est animée, pleine de jolies femmes habillées avec goût, sans rien de provincial, si ce n’est peut-être la façon maniérée de tenir leur sac à main. La race est belle, les hommes sont grands, élancés, mais ils mangent trop, ce qui les fait grossir très vite du ventre et du derrière. Aussi n’y a-t-il pas d’hommes de trente-cinq ans : ils semblent passer d’un seul coup de trente à quarante. Le militaire est magnifique : il est fait pour les panaches ou les aigrettes. Un régiment de Serbes est une parade de géants.