LA KOUTE LE PAYS 27 disent : « Ce n’est pas loin », méfiez-vous : il s’agit d’une étape d’une demi-journée. Avec cela, rapides, ignorant la flânerie. Qu’ils aillent en plaine ou gravissent un sentier de montagne, c’est toujours du même pas pressé. Chargés ou non, leur moyenne est de six à sept kilomètres, quelquefois plus. L’obscurité n’interrompt pas leur marche. Quand il nous est arrivé de camper près de la route, nous les avons entendus défiler toute la nuit. Je ne sais trop ce qui les porte à ces perpétuels déplacements. Sans doute les raisons vitales de l’homme des champs : le travail de la terre, le troupeau, le marché. Mais ces choses-là existent aussi pour nos paysans sédentaires. Ce qui les mène, là-bas, est hors de proportion avec les résultats. J’ai vu, à Mostar, des femmes qui avaient fait cinq heures de marche nocturne pour venir vendre dix litres de lait à deux dinars (soixante-cinq centimes) le litre. Bien entendu, elles en avaient autant à faire pour rentrer chez elles, avec leurs vingt dinars au fond du pot. Il n’est pas rare de voir des galopins couvrir quinze kilomètres pour se rendre à l’école, Ce qui en fait trente dans la journée. Quelle que soit la longueur de l’étape, ils ne se reposent jamais, et quand ils arrivent au but, ils ne s’assoient même pas. C’est à se demander si, comme les éléphants et les chevaux, ils ne dorment pas sur leurs pieds. Comme les paysans de tous les pays, ils ont des animaux de charge et de trait, mais, sauf en Dalmatie et dans la Macédoine, il est rare qu’ils les montent ou se fassent traîner par eux. Ils marchent à côté ou devant, même lorsque la bête ne porte rien. L’homme qui descend de la montagne avec son mulet chargé de bois n’enfourche pas sa bête lorsqu’il a vendu ses fagots. Ce n’est ni pitié ni ménagement de son bien, mais habi-