LA TRADITION NATIONALISTE 87 la foule, ils ont été, par leur prestance et par leurs aventures de toutes sortes, aventures de guerre ou aventures d’amour, les héros, les demi-dieux de la cause italienne. Tandis que Garibaldi faisait la conquête du grand public français par son épopée plébéienne, Nigra remplissait la tâche plus difficile de séduire l’entourage de l’empereur. Napoléon III, avant même qu'il eût pris le pouvoir, était acquis au Risorgimento. Autour de lui, auprès de lui, il ne manquait- pas de personnes mal disposées pour les intérêts de l’Italie-une. Le chevalier Nigra fut le beau ténébreux qui vint à la cour impériale émouvoir les femmes en faveur de la noble captive. Il fut galant par patriotisme ou, du moins, il fit servir ses galanteries au bien de son pays. Il était arrivé aux Tuileries portant avec lui toute la poésie de la péninsule. Venise, Florence et Rome, Dante et Pétrarque, Titien et Raphaël parlaient par sa bouche et, dit-on, avec charme, avec éloquence. Cavour avait artistement choisi cet envoyé en missions confidentielles : c’était don Juan ambassadeur qui, au milieu de ses succès, n’oubliait jamais ses devoirs de diplomate. Il était toutefois un cœur que la cause de l’Italie ne touchait pas. Et ce cœur était trop haut