DE SARAJEVO A ZAGREB 279 tout juste passer entre les parois de tuf. L’autocar doit les frôler de ses ailes. Nous rencontrons ce véhicule ferraillant à cinquante mètres de la sortie et nous devons grimper sur le talus pour l’éviter. Il est plein à craquer d’un étrange anachronisme humain, cette machine à moteur chargée de femmes en costumes médiévaux. Il y a de ces autocars un peu partout dans le pays. Ce doit être une manière de voyager bien amusante parce qu’on est toujours en contact avec la population et que le public se renouvelle constamment. J’ai rencontré à Okhrid un ménage anversois qui avait parcouru toute la Yougoslavie en autocar. Ce n’était pas de jeunes sportifs mais de bons bourgeois de la cinquantaine soutenus par l’énergie et l’endurance des Flamands. Défilé jusqu’à Bangna-Louka, la route, le torrent, deux pentes de forêts. Mais les jeux dorés de novembre nous enchantent. Toutes les armées qui ont passé sur cette route des invasions ont réduit en ruine les forteresses dont elle est jalonnée. Le faubourg de Bangna-Louka est resté bosniaque et musulman. La ville se modernise. Elle a sa grande avenue, son jardin public, son palais du gouvernement, son palace et ses banques. Cela ressemble au sud-Amérique, grands espaces vides, places nues comme des terrains vagues, où se côtoient des édifices prétentieux et des baraques de bois. Un reste de tcharchyia, une halle à charpente rudimentaire où s’alignent des échoppes de savetiers, de chaudronniers et de marchands de fruits. C’est là que nous avons trouvé ce bel oiseau de Slovénie, les ailes et le plumage de la queue faits de lamelles de bois, un jouet précieux que j’ai suspendu par un fil au plafond de la voiture et qui voltige aux cahots de la route comme une figuration du Paraclet. Sa bénédiction nous accompagne jusqu’à Priyédor