230 L’ITINÉRAIRE DE YOUGOSLAVIE j’aime la France c’est d’abord et avant tout parce que j’écris en français. Il sait aussi qu’une belle poterie qui ne sert à rien c’est une chose morte. Il ne fait donc pas de ces vases d’ornement qu’on met sur une cheminée ou sur une console, mais les grandes urnes noires pour garder le maïs, et les passoires pour laver les légumes, et les cruches pour conserver l’eau fraîche, et d’autres plus légères pour boire à la régalade, et les assiettes creuses pour manger la tchorba, et les plats profonds pour servir les ragoûts, et les petits cruchons bedonnants pour verser le raki. Seulement, afin de réjouir son cœur d’abord, et celui des autres ensuite, il met sur tout cela de la beauté et de la fantaisie. Il est probable qu’il ne sait même pas que ses poteries sont belles. Il sait comment on fait fleurir l’argile sur le tour, comment on la sèche, comment on l’orne, comment on la cuit. Il sait qu’il fait tout cela très bien, car il a l’orgueil de son métier, il sait aussi qu’il fera mieux dans la suite, car il a le respect de son métier. Il n’ignore pas ce qu’il doit à Yovan, à Pétar, à Mato, qui ont été de bons potiers avant lui et qui lui ont transmis cette manière de faire des pots que d’autres vieux potiers connaissaient bien. Il fait ce qu’il peut et ce qu’il veut, en s’amusant dans son travail. Mais quant à savoir s’il fait de l’Art ou non, il s’en fout.