DE DETCHANI A SKOPLIÉ 131 soie; des paysannes de je ne sais où, tout en broderies, dans le dos une grande pièce de soie rouge à dessin d’or, agrémentée de pompons de soie et de boutons de nacre; d’autres qui ont des nattes de cheveux huilés pendant le long des joues et qui s’enroulent au bout comme les cornes d’un bélier, la coiffure maintenue par une ligne de cabochons; les Juives, qui ont sur le haut du crâne la petite corne de Moïse enveloppée dans un foulard de soie ou de la dentelle d’or, de larges pantalons de soie blanche, un brimbalement de sequins sur la poitrine; des hommes en culotte de drap, courts jupons de toile, fez, turbans, pechkirs noués, gilets galonnés, fermens dont on a rapiécé les pièces qu’on avait mises sur les pièces, avec des bouts de gros fils grouillants comme des asticots. J’en laisse, j’en laisse... Mes notes remplissent des pages et ma table est couverte de photos. Une phrase de cent lignes, sans ponctuation, sans verbes, avec des adjectifs chatoyants, des mots heurtés, des rapports illogiques, pourrait seule rendre ce tumulte continu de formes imprévues et de couleurs sonores. Marché au blé, marché au maïs, dans des sacs à rayures de couleurs si belles qu’on pourrait en faire des tapis; marché aux fruits, marché aux légumes, aux cuivres, aux poteries, aux fourrures. Il y en a partout, sur les places, sur les ponts, dans les ruelles, dans les impasses, sur le parvis des mosquées, avec un monde de petits marchands de toutes les marchandises, sur les bornes, les parapets, le rebord des fenêtres. Et chaque groupe est un spectacle intensifié par la couleur. La fête atteint à son apogée dans la petite rue en pente, aveuglante de lumière, où se tient le marché aux étoffes. D’un côté, les échoppes des Juives, sous un auvent de bois et de toile, les marchandes accroupies au milieu des étoffes — pêle-mêle, sur elles, autour d’elles,