LA DALMATIE — DU VÉLÉBIT A ZARA 45 mosaïques de laine semées de paillettes et les offrent pour un mouchoir de batiste ou un miroir. J’empêche Marie-Jeanne de dépouiller de son fron-tail de piécettes la plus jolie qui convoite un bracelet-montre. Cela ne va que sur ce petit front barbare, entre les bandeaux blonds lissés de cosmétique. J’ai peur aussi de l’envahissement de la banalité occidentale, qui s’est déjà emparée des garçons, pantalons rayés et ceintures de cuir. Tout le groupe jacasse dans une langue d’oiseau, nous souhaite bon voyage et s’éloigne avec de grands cris. Sur la route sèche, c’est une floraison de prairie que je garde toujours sous les paupières. A cette minute de printemps, la joie n’est plus dans le ciel semé de nuages en flocons, mais dans la plaine où les filles dalmates s’en vont avec des rires. La frontière est encombrée de longs chariots primitifs où s’entassent les paysans qui reviennent de Zara. Cette ville italienne ne peut vivre que des campagnes yougoslaves qui l’enferment de tous côtés. C’est un afflux constant des éléments slaves dans cette capitale dalmate que les traités ont rattachée à la Péninsule. Bien entendu, le gouvernement de Rome fait tout ce qu’il peut pour extirper jusqu’aux moindres racines l’influence indigène, mais il ne peut empêcher qu’au marché de Zara, et même dans quelques boutiques, on ne parle que le serbo-croate. C’est une presqu’île dont les Vénitiens ont fait une île en coupant l’isthme par un canal. Le signe de Venise est partout, non seulement dans le lion Saint-Marc qui surmonte de sa griffe et de sa devise évangélique les portes des remparts, mais aussi dans l’architecture, encore qu’on y trouve, sur la façade des principales