RAGUSE 87 danse sous le chemin de ronde et les vignes-vierges. Une langueur méditerranéenne vient de ces nuits toujours belles. La poésie facile du clair de lune et des orangers en fleurs prépaie les amours brèves des femmes d’Oslo ou de Berlin. Car pour celles d’ici... — On voit, me disait le poète D,.., que vous êtes gâté par vos femmes de France qui sont, en amour, si simples, si réalistes, si commodes en un mot. Vous en êtes devenu difficile, peut-être même blasée. Nous, avec nos femmes compliquées, sentimentales, et qui, vraiment, ne savent pas ce qu’elles veulent, nous sommes comme des pirates qui courent depuis longtemps sur la mer. Quand ils voient paraître un navire, c’est la folie, l’enthousiasme, l’appétit du risque. Et l’on se i-ué à l’attaque que l’on sait difficile et dangereuse... Il s’enivre, comme un vrai Slave, de ses propres paroles. — Moi, en amour, continue-t-il, j’ai toujours été lyrique, je me suis toujours évadé de la terre, j’ai plané... Mme L..., de sa belle voix nonchalante, l’interrompt dans son poème : — Hé oui! mon cher ami, vous êtes tellement distrait... * ** Avant de quitter Raguse, nous irons voir l’île de Chi-pân qu’il faut traverser à pied d’un bout à l’autre pour en goûter les étranges contrastes, et celle de Kortchoula où vit la plus belle race du pays dalmate, dans un décor de forteresse maritime. Mais il en est une autre plus belle, toute petite, et si près de Raguse, qu’on y peut aller à la nage : La-croma, qu’on appelle aujourd’hui Lokroum. Je l’ai décrite longuement dans mon roman Taïa, mais elle est encore plus émouvante que je ne l’ai dite. J’ai parlé de