172 L’ITINÉRAIRE DE YOUGOSLAVIE Les Turcs — cela leur est arrivé quelquefois — avaient transformé en mosquée cette église orthodoxe, détruit l’iconostase et badigeonné les fresques. On ne peut rien imaginer de plus maltraité que ce sanctuaire, l’un des plus beaux de l’ancienne Serbie. Il est au quart enseveli dans le terrain d’alentour. Son élégant nar-thex a ses fenêtres bouchées ou mutilées. A l’intérieur, le pavement est fait des tronçons de marbre de l’ancienne iconostase. Une épaisse couche de chaux recouvre les fresques. Aux endroits où ce badigeon s’est écaillé, on voit apparaître de belles figures de saints auréolés et des représentations de l’Evangile. Ce sont les plus anciennes peintures de la Yougoslavie, analogues à celles qu’on a retrouvées récemment à Sainte-Sophie de Constantinople. Je ne me rappelle jamais sans émotion la grande figure de patriarche aux yeux crevés qui tient un livre contre son cœur. Nous irons voir aussi Svéti Klimènt (Saint Clément), sur une place de village qui domine la ville et le lac, vieille petite église bourrée d’icones; et par le sentier pierreux qui fait corniche au bord de la falaise, celle de Svéti Yovan Bogoslov, curieusement rapiécée de rose et de blanc, très abîmée intérieurement par l’orthodoxie moderne, mais érigée sur une proue rocheuse qui vogue vers le plein du lac. * ** C’est entre Okhrid et Svéti Naoum que le lac prend son véritable caractère. La route est excellente, en dépit de ses cassis ahurissants et de ses côtes vertigineuses. Elle longe le plus souvent la rive et n’entre dans les terres que pour escalader les contreforts de la Galit-chica.