112 L’ITINÉRAIRE DE YOUGOSLAVIE qui se livrent à cette mutilation. Le paysan orthodoxe n’a rien trouvé de mieux, pour guérir les maladies d’yeux, que de répandre sous les paupières la poussière colorée qu’il a obtenue en grattant les yeux des peintures saintes. Plusieurs moines m’ont dit qu’il était impossible d’empêcher les paysans de s’adonner à cette médecine iconoclaste. Une seule chose est vraie, une seule chose compte en somme : c’est que les monastères de Petch, de Detchani, de Skoplié, de Gratchanitza, de Stoudénitza, de Zavala, et tous ceux de la Franchka Gora, et tous ceux de la vallée de la Morava, ont subsisté dans les deux Serbies pendant cinq siècles de domination turque. Et s’il n’en existe plus un seul en Bosnie, c’est parce que les Bogou-miles, Slaves convertis de leur plein gré à l’islamisme, au commencement du xv® siècle, les ont détruits de fond en comble avec un acharnement de néophytes. Les peuples sont toujours injustes à l’égard des régimes qu’ils ont renversés. Les sottises de notre enseignement scolaire à propos des grands personnages qui ont créé la France et qui l’ont faite sous leur règne la première des nations, rejoignent les erreurs flagrantes de l’enseignement yougoslave qui a fait de la domination turque une ère de fanatisme et de barbarie. Ce sont des réactions peut-être nécessaires, au moins en ce qui concerne la foule des ignorants. Mais qu’on me permette de tirer ici mon chapeau à la grandeur des rois de France et à la tolérance turque. ! * ** Nous contournons le mur de la Patriarchie et nous nous arrêtons devant un portail de ferme qui est l’entrée du monastère. Tous ceux que nous rencontrerons sur des centaines de kilomètres auront ce même aspect