90 L’ITINÉRAIRE DE YOUGOSLAVIE haut du crâne. Ils marchent en chantant, les filles se tenant par le bras, les garçons derrière, les mains ballantes, une fleur entre les dents. Ils ont le visage réjoui de gens qui se rendent à une fête. Nous abandonnons la voiture et nous les accompagnons à pied, à travers cette riche vallée coupée d’étiers qui ont donné leur nom à la région. Les filles ont adopté tout de suite Marie-Jeanne, sans doute parce qu’elle est blonde comme elles. Les garçons me supportent gentiment. Ils sont tous grands, admirablement faits et de la plus pure beauté slave. Avec mon mètre quatre-vingts sous la toise, je dois lever la tête pour leur parler. Us me prennent pour un Russe. Où que je sois allé, on m’h toujours pris pour un Russe, et je me suis toujours demandé pourquoi. Ma mère m’a légué les cheveux, le front, les yeux, le nez surtout, d’un homme du Midi. Avec tout ça, il me faudra passer ma vie dans la peau d’un Russe... Us vont au sanctuaire de Pridvorié où l’on fête un saint dont je ne comprends pas le nom. Tout le pays s’achemine à travers champs vers l’église et le monastère catholiques. On voit de longues files blanches sur tous les sentiers de la vallée et de la montagne, des chariots et des Carrioles bâchées, même une auto couverte de monde jusqu’aux marchepieds et qui vacille dans les ornières. A huit heures du matin, les groupes partis de Grab, de Grouda, de Çavtat, et même de Morinj, à trente-cinq kilomètres de là, sont déjà près du but. C’est un vieux chêne, au milieu d’un terrain nu, devant une église dont la porte est enguirlandée de fleurs. Une estrade Circulaire, construite autour de l’arbre, supporte, d’un côté, un autel rudimentaire, fait de tréteaux et de planches, de l’autre, un petit harmonium. Sur le sol, devant l’autel, un banc de communion cou-