Ill LA ROUTE — LE PAYS La route yougoslave... Elle n’est pas bonne. Elle est souvent mauvaise. Elle ressemble aux routes de France d’il y a trente ans, avant le ciment et le goudronnage. Il y a bien, en tout, vingt-cinq kilomètres de routes modernes : à l’entrée de Split et de Raguse, et autour de Belgrade. Le reste a parfois de l’unité, surtout en Serbie et aux environs de Mostar. On travaille avec lenteur à améliorer les autres. Le type le plus commun, particulièrement en Croatie, est un rechargement de pierres concassées où les chariots ont formé deux sentiers zigzagants. Il y a pire. Au delà de Podgoritza, dans la Tsernagora (que nous appelons, à l’italienne, Monténégro), la roche affleure le sol, et l’on roule quelquefois sur des arêtes de schiste. Les plus belles routes, comme celle de Vélès à Skoplié, sont coupées tout à coup par de terribles fondrières : on doit faire des miracles d’équilibre pour ne pas sombrer dans les crevasses. Dans les premiers temps c’était pénible, même douloureux. Ensuite, je m’y suis fait. C’est ainsi que j’ai appris à aimer les mauvaises routes. Et maintenant les bonnes m’ennuient. Leur monotonie m’engourdit. On ne peut que s’y précipiter sans rien voir.