DE GOSTIVAR AU LAC D’OKHRID 171 * * * — A voir en deux heures, me suis-je dit en entrant à Okhrid 1. Nous y sommes restés quatre jours et nous l’avons quitté à regret. A n’en juger que par la grande esplanade, au bord du lac, palmiers étiques et terrain caillouteux, on croirait une station de Côte d’Azur purée, pour les loisirs du prolétariat. La ville n’est pas ici. Elle est derrière et à côté, aux flancs du promontoire que domine la citadelle ruinée. A l’entrée, sur une petite place remplie d’une foule grouillante en fez et vestons délabrés, s’érige un monstrueux platane. Le tronc crépi comme un mur est si énorme qu’on y a encastré trois fontaines de pierre. Un monde de boutiques et de petits cafés vivote à son ombre. On fait commerce de toutes choses sur cette place : fruits, légumes, poissons, cuivres, vieilles étoffes, cacahuètes, jeunes garçons et petites filles, car dans ces terres bénies la prostitution va de dix à vingt ans. Le reste serait pareil aux autres villes turques s’il n’y avait tant de petits jardins très verts entre des murs très blancs, et tant de vignes et de glycines qui traversent les rues d’une maison à l’autre, et tant de gros hortensias roses aux fenêtres, dans des bidons et des caisses de fer-blanc, et ce quartier du bord de l’eau où l’on circule sous les maisons par des passages de charpente et de torchis. Il y a aussi de passionnantes églises dont la plus belle est Svéta Sofija (Sainte-Sophie), une basilique byzantine du xi* siècle, basse et longue, un tambour sans coupole à chaque bout. 1. Marché le lundi.