214 L’ITINÉRAIRE DE YOUGOSLAVIE s’en fera un gilet de patinage qui éblouira longtemps les dames des sports d’hiver. L’importante confection de ce jaleki demandant vingt-quatre heures, nous sommes obligés de continuer à divaguer sur les routes. Cela devient un chemin confus qui nous fait connaître le village serbe de la contrée. Une sorte de bois touffu, coupé de larges chaussées de terre sans pavé, qui se croisent à angles droits. Chaque îlot est fermé d’une palissade de planches étroites, enfoncées de guingois et serrées les unes contre les autres. La maison est enfouie dans les arbres, bâtie de bois et de torchis, le rez-de-chaussée aux bêtes, l’étage aux hommes. On y monte par un escalier raide ou une échelle. Ni couleur ni décoration quelconque. Le bois brut, la glaise nue, les chaumes effrangés. C’est moins confortable que les huttes de l’Angola. Notre caprice nous mène à la prison de Zabéla, près de Pojarévatz, où nous allons voir Ratchitch, ce député tsernagortse qui, en plein parlement de Belgrade, abattit à coups de revolver deux ou trois députés croates. Visite d’intérêt psychologique, nullement politique, bien que ce Ratchitch soit fort de mon goût, non parce qu’il a tué des députés croates, mais parce que j’espère que son exemple sera suivi dans d’autres pays où les députés périront tous dans une fusillade réciproque, aux applaudissements des tribunes publiques. Mis en goût de prisons, nous revenons à Pojarévatz pour visiter celle des femmes. Il y en a là quelque trois cents, la plupart condamnées à perpétuité. Une dizaine, tout au plus, sont enfermées pour vol. Toutes les autres sont là pour avoir tué leur mari, ou le mari de leur sœur afin de la débarrasser de celui-ci. Le crime conjugal est très fréquent en Serbie, au moins de la part des femmes. C’est une race aux instincts violents, que je voudrais connaître en profondeur. L’adultère y con-