DE DETCHANI A SKOPLIÉ 137 — Si tu t’imagines, me dit Marie-Jeanne, qu’ils vont se déranger par un temps pareil... Justement une grande forme blanche se détache de la nuit. C’est le plus jeune des trois paysans. Il nous apporte deux paquets enveloppés dans des pechkirs brodés. L’un contient un plat de cuivre à couvercle, rempli d’œufs brouillés encore tièdes, l’autre un gros pain de maïs, tout chaud et odorant. — Koukourous ! fait l’homme en le montrant du doigt. Ah ! c’est comme ça qu’ils appellent le maïs... Nous nous jetons sur cette provende. Nous sommes couchés sur la literie. Le jeune paysan s’est assis dans l’herbe trempée, en pleine averse, le capuchon de sa yapoundza rabattu sur le front. Je l’invite à s’installer dans la voiture, mais il refuse en rougissant. La présence d’une femme ne lui permet pas d’entrer chez moi. — Vous allez dormir ici ? demande-t-il. — Sans doute... — Vous n’avez pas peur des bandits ? — Quels bandits ? — Les bandits... Il désigne du doigt la montagne. Je ne pense pas devoir lui montrer mon colt ni le browning de Marie-Jeanne. — Il n’y a pas de danger. Il hoche la tête. — Alors, fait-il enfin, je vais dormir ici pour qu’il ne vous arrive rien. Je proteste : — Tu es un brave garçon, mais tu vas rentrer te coucher chez toi. Il fait non obstinément, il s’enroule dans sa cape et se couche sur l’herbe, devant le marchepied. C’est ainsi que nous passons la nuit. Je ne dors pas,