DE BELGRADE A SARAJEVO
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brouter autour de la voiture. Et j’en étais très fier, parce qu’ils m’avaient pris pour un berger.
  A Rogatitza1, la ville est morte parce qu’il n’y a pas de marché aujourd’hui. Nous achetons chez un boutiquier juif des mètres et des mètres de ces tapis de chiffons qui sont blancs, gris et roses, et si frais sous les pieds nus. J’en ferai de longues allées à travers les grandes pièces de notre palais de Raguse, car c’est à Raguse que nous rentrons 2.
  Nous campons cette nuit-là au milieu d’un bosquet de noisetiers, sur le plateau de la Romaniya, là où les jeunes gens de Sarajevo viennent faire du ski pendant l’hiver. Même en plein été, il fait très froid sur ces hauteurs. Au réveil nous sommes transis. Le Puma, qui est un chat de Provence, ne quitte pas les genoux de Marie-Jeanne. Heureusement, nous découvrons au milieu d’une forêt de gigantesques sapins noirs un petit cabaret musulman où il y a du feu et du café.
  C’est le type même de la kafana populaire de Bosnie. La salle, rectangulaire, plus profonde que large, a ses murs blanchis à la chaux, comme aussi le plafond de solives apparentes. Tout le fond de la pièce est rempli par un grand divan bas, couvert de tapis paysans à rayures rouges et noires. Contre le mur sont entassés des coussins de tapisserie du même dessin. Ce divan est assez large pour qu’un homme puisse s’y étendre, la
  1.	Marché le lundi.
 2.	L’itinéraire que j’établis dans ce livre est beaucoup moins long et moins capricieux que flotre voyage. Nous sommes passés quatre fois à Sarajevo.