XIV SKOPLIÉ Tl y a deux villes à Skoplié. Celle que j’appellerai l’européenne ou la serbe s’étale dans la plaine, sur la rive droite du Vardar, entre la gare et le fleuve. Elle a ses magasins, ses cinémas, ses hôtels et ses cafés. Les gens d’ici en sont très fiers, et c’est un orgueil légitime car elle a poussé en vingt ans. Je n’en dirai presque rien parce que je ne veux pas leur faire de la peine. Elle ressemble à cent mille cités médiocres de cent cinquante pays sans imagination. La grande rue fait penser à n’importe quelle chaussée maussade de Lille ou de Manchester. Il s’y traîne, le dimanche, après sept heures du soir, une foule banale de sous-préfecture. Ni les musulmans, ni même les juifs, ne se risquent au milieu de cet étalage de mauvais goût. Seules, les femmes tziganes y promènent, en pantalon turc, cet inimitable déhanchement de la race qui fait osciller, à Grenade, les jupes des gitanes. L’autre ville, sur la rive gauche du Vardar, est l’Ous-koub de la domination turque, bâtie sur la pente d’une colline que surmonte une longue citadelle. Par le vieux pont du roi Douchân, la ville moderne fait ce qu’elle peut pour l’envahir. Mais elle résiste de toute sa turque-