SKOPLIÉ
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Ils jouent, ils chantent, sans airs penchés ni fausse extase, comme de bons bougres qui s’amusent et veulent vous amuser. Comme dans toute la musique d’ici, la mélodie se développe autour d’un poème de quelques vers. Je ne puis rien traduire de la construction musicale, car l’art des sons et de leur accord dépasse incom-mensurablement celui des mots et de leur assemblage. On devrait pouvoir glisser dans un livre un ruban sonore qui transposerait la musique du monde. Cependant, voici des poèmes.
La mélodie est pleine de tendresse, violons, altos, tym-panon sur les oùrdes basses. Elle dit :
               Il y a une jeune fille Aussi belle qu’un garçon,
Et le jeune homme lui dit :
« 0 toi, jeune garçon vierge,
Si tu savais combien je t’aime ! »
On ne trouve de telles équivoques que dans les Mille et une nuits.
Il semble que tout ce qu’il y a de mâle dans la race prenne sa revanche dans ce choral puissant qui est la plainte du paysan serbe après sept années de batailles :
Nous autres, hommes de la terre,
Nous avons chassé les Turcs,
Nous avons battu les Bulgares,
Et battu l’Autrichien du nord,
Et battu l’Allemand aussi,
Et nous n’avons rien,
Rien, rien !
Il faut entendre l’aboi de ce Nichta !, sous la pesée des contrebasses et des violoncelles.
L’ITINÉRAIRE DE YOUGOSLAVIE
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