DE SARAJEVO A ZAGREB 277 kir blanc aux coins flottants, maintenu sur le haut du crâne par une épingle passée dans les cheveux. L’ensemble fait une masse épaisse que les bas tricotés maintiennent sur deux piliers. A Yaïtzé l’eau triomphe. La ville semble bâtie au-dessus d’un rapide. La Pliva, qui vient de l’ouest, rencontre au pied de la ville le Yerbas qui descend du sud. Etrange et magnifique confluent, peut-être unique en Europe. La Pliva, qui s’acheminait lentement à travers les lacs de Yézéro, s’émeut tout à coup en approchant de la ville. Ses eaux courent à travers un bois de saules encombré de baraques, de kiosques, de passerelles, de moulins équilibrés sur des échasses, le tout en bois, avec de hauts toits de planches vermoulues. Et tout à coup leur masse réunie par cent canaux et ruisselets s’écroule de trente mètres de hauteur dans le lit du Verbas. C’est un vacarme assourdissant parce que la chute s’écrase sur un bloc de roche qui la disperse de tous côtés, dans un nuage d’embrun fleuri d’arcs-en-ciel. Ce genre de spectacle, cher aux touristes internationaux, ne vaut pas pour moi celui des lacs de Yézéro. Nous sommes allés jusqu’au bourg de ce nom, par un matin frais qui sentait la neige et les feuilles mortes. La route remonte le cours de la Pliva, dans une vallée de plus en plus large, entre des montagnes couvertes de forêts mordorées. La rivière forme ici plusieurs lacs en paliers successifs, séparés par de courtes chutes ou des rapides. L’ingéniosité du paysan les a semés de ces moulins bosniaques qui sont les plus primitifs que je connaisse, échafaudage de poutres et de planches, avec un haut toit pointu. Je pense que le premier moulin imaginé par un homme de la cité lacustre devait avoir cette forme. Ils sont par groupes de cinq à dix, perchés sur leurs quatre pieds grêles, pissant l’eau de tous côtés, leur pauvre tête de bois remplie du fracas de la mécanique. Elle est si