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L’ITINÉRAIRE DE YOUGOSLAVIE
au-dessus d’elles — sur une petite terrasse de cailloux cimentés. De l’autre côté, le marché aux nippes, à même le sol, contre un mur bas, tout ce qu’apportent à vendre les paysannes des environs : des merveilles! Et ces merveilles ne sont, après tout, que le rebut de ce que portent sur elles les femmes dont la multitude colorée remplit les rues de la ville.
  Tous les costumes locaux que portent, en Yougoslavie, les hommes comme les femmes, sont entièrement faits par les femmes elles-mêmes, depuis la matière primitive jusqu’aux ornements les plus délicats. Ce sont elles quf lavent la laine, rouissent le lin, filent l’un et l’autre. Ce sont elles qui élèvent les vers à soie et recueillent les cocons : c’est d’ailleurs la seule chose qui leur appartienne en propre et qu’elles puissent vendre à leur seul profit, à l’exclusion même du mari. Elles tissent elles-mêmes la soie, le drap et la toile, les teignent s’il y a lieu, avec des matières traditionnelles, coupent et cousent les vêtements, les ornent de broderies, de cuir découpé, etc. Le costume, tel que nous l’admirons, est entièrement sorti de leurs mains.
  Tel est du moins le principe actuel. Se maintiendra-t-il? C’est hélas! douteux. La loi de l’uniformité, dans tous les domaines, y compris la politique, s’étend sur le monde. J’ai vu avec effroi, au marché de Skoplié, des femmes revêtues du splendide costume de Léchak acheter des cotonnades industrielles.
  Il est malheureusement probable que les costumes de la Serbie du Sud et de la Bosnie disparaîtront bientôt, comme ont disparu ceux de la Vieille Serbie et du littoral dalmate. Ils s’en vont déjà par morceaux. Les hommes, les premiers, « se mettent à la page ». On voit paraître des gilets de confection et des casquettes. Du côté de Mostar, je ne sais quel marchand français a inondé la région de bérets basques. Les femmes résis-