XIII DE DETCHANI A SKOPLIÉ PRIZRÈN : LA FOIRE TURQUE Sur les routes d’ici tout est surprise. Rien n’est dans l’axe de notre mentalité occidentale. Près de Tsernobreg, un grand diable d’Arnaute, un colosse moustachu, vient à notre rencontre, marchant devant ses bœufs qui trament un chariot de paille. Les bêtes, effrayées par le bruit du moteur, s’élancent en avant, renversent l’homme, lui passent sur le corps, et le chariot derrière elles. Je saute de la voiture pour ramasser la victime. Mais le gaillard est déjà debout. Il ne se plaint de rien, il ne m’engueule même pas. Il regarde ma figure angoissée, éclate de rire, et roulant des épaules tant il s’amuse, il relève d’un tour de rein le chariot qui a versé dans le fossé. Sur le bord de la route nous vidons ensemble une bouteille de raki1 de ma provision. Et l’on se quitte avec de grandes bourrades amicales qui me laissent les épaules endolories. En flânant dans Djakovitza, qui est un gros bourg à la manière de Petch, nous voyons à l’étalage d’une boutiques de beaux colliers à plusieurs rangs de grosses perles turquoises. 1. Eau-de-vie pareille à la vodka.