124 L’ITINÉRAIRE DE YOUGOSLAVIE et la reine », me dit le Père, ne peuvent dormir ensemble dans un monastère. En faisant ma toilette du soir, je m’aperçois que les serviettes, de lin un peu rèche, sont bordées de dentelle véritable. Mon lit est couvert d’une grande pièce de soie blanche, d’une suavité presque charnelle. Le Puma s’est couché en rond au milieu. Avec un petit ventre tout gros, il rêve à ces grandes maisons où des curés à barbe nourrissent les chats de truites saumonées. Je me lève de grand matin pour visiter l’église qui est la plus belle et la plus riche de la Serbie du Sud. Elle est d’une architecture mixte, le plan général et la coupole à haut tambour des églises byzantines, la décoration italienne de la Marche et des Pouilles. Portes et fenêtres à arcature romane sont décorées de puissants rinceaux décoratifs, les mêmes que j’ai vus dans les monuments de cette époque, en Normandie, en Provence, à Palerme et ailleurs. Bâtie en assises alternées de marbre jaune et de marbre mauve, comme tant d’églises italiennes, celle-ci a également les corniches à arceaux de Zara. Bien n’est plus émouvant que cette interpénétration des styles méditerranéens à une époque où les communications étaient rendues si difficiles par la piraterie et les guerres religieuses. Cette église orthodoxe, édifiée par un empereur serbe aux frontières de la Macédoine, a le même esprit que la basilique de Monreale construite par les rois normands. Le nartex qui précède l’église elle-même, comme à Vézelay ou à Saint-Jacques de Compostelle, a quatre piliers octogonaux qui soulèvent une grande envolée de voûtes, et un portail intérieur où l’on retrouve les lions de Troghir, de Kortchoula et de Ferrare. L’intérieur a