DE PARIS A FIUME 13 vanni. Il y a là des calembours très ingénieux. L’annuaire des téléphones, à Trieste, renferme un supplément de deux cents pages qui vous renseigne sur ces métamorphoses. De Volosca à Fiume, apparaît dans son absolu l’inconséquence des traités. Une étroite langue de terre, longue de onze kilomètres, large de deux à peine, prise entre la Yougoslavie et l’Adriatique, rattache l’Italie et Fiume, ville de 30.000 habitants. On sait comment, à la suite de l’aventure d’annuu-ziesque, Fiume fut donnée à l’Italie, avec le mince couloir dont je viens de parler, et un petit cercle de collines autour de la ville. C’est une citadelle qui ne protège rien, une redoute qui ne sert à rien, condamnée à l’investissement. Comme Zara, une simple satisfaction d’amour-propre. Je ne veux faire aucune peine à mes amis italiens, surtout au prince de Monte-Nevoso, mais je suis forcé d’avouer que de toutes manières, historiquement, géographiquement, politiquement et économiquement, Fiume faisait partie de la Croatie, aujourd’hui yougoslave, et ne pouvait en être séparée. C’était depuis quatre siècles et demi le port commercial de la Croatie et de la Hongrie. Ce n’est plus le port de rien du tout, car il n’y a plus d’arrière-pays, et par conséquent plus de débouchés. Les traités ont ruiné cette grande ville. Quand nous y sommes entrés, il n’y avait dans l’immense rade ensoleillée qu’un seul navire, un yacht de plaisance, tout blanc, et battant pavillon anglais. La ville, avec ses rues larges, ses banques, ses grands cafés, a une physionomie très autrichienne, qui en fait un Zagreb maritime. Elle regorge de soldats de toutes les armes. Le civil est noyé dans les uniformes. La promenade classique du soir, sur la via Garibaldi, ressemble à un défilé militaire au ralenti.