190 L’ITINÉRAIRE DE YOUGOSLAVIE tus; d’autres fermées à la manière d’un cloître, avec une galerie couverte où s’entassent les paysans et leurs produits. Toutes sont envahies par le marché qui, dans cette ville prospère, devient une foire turbulente. Les ruelles, qui se croisent à angles droits, ont chacune sa corporation, ses boutiques et ses bruits. Les échoppes, étroites et peu profondes, sont ouvertes sur la rue, pareilles à de petits théâtres, l’artisan assis à la turque sur un tapis ou sur une peau de mouton. Il y a la rue des cardeurs qui démêlent les flocons de laine avec la corde de laiton d’un grand arc posé devant eux comme une harpe; celle des chaudronniers, qui ne travaillent le cuivre qu’au marteau, sur une petite enclume coincée entre les genoux; celle des brodeurs, où des garçonnets coiffés de fez établissent les dessins sur le drap et la soie; celle des boulangers, remplie de l’odeur des beaux pains tordus comme des écheveaux de laine; celle des chandeliers, qui font des cierges de cire presque aussi beaux que ceux de Santiago de Compostela; celle des verduriers, avec leurs concombres rangés debout comme des priapes; celle des bouchers, où des petits garçons agitent des martinets à longues bandes de papier blanc, pour éloigner les mouches; celle des tailleurs; celle des savetiers; celle, enfin, des orfèvres, où l’on achète de ces horreurs en filigrane d’argent qu’on offrira à ses amis comme souvenirs de voyage. Population très mélangée : on parle serbe, turc, albanais, bulgare. Les costumes ont la même diversité. Les hommes de religion orthodoxe portent ici un tablier de tapisserie comme en ont leurs femmes partout ailleurs. Certains sont tellement chargés de chapelets d’oignons qu’ils semblent s’en être fait des capes ou des manteaux. On voit sur quelques femmes de longues tuniques à rayures jaunes et vertes, et de grands châles de tête, à franges de laine, brodés sur un angle. Beau-