120 L’ITINÉRAIRE DE YOUGOSLAVIE que, le bleu même de Giotto à l’Arena, supporte un étage de torchis, peint en blanc. Le rez-de-chaussée n’est habité que par les serviteurs, qui sont aussi des artisans travaillant pour le compte du maître. Un escalier de bois monte à l’étage. Il est de bon ton de laisser ses chaussures au bas de l’escalier, car la propreté musulmane est minutieuse, parquets de bois blanc, savonnés, grattés à la paille de fer, tapis de chiffons d’un blanc immaculé, délicieux de fraîcheur sous les pieds nus, comme un gazon ou de la mousse. Le salon de réception est une grande pièce claire au plancher couvert de tapis bosniaques. Un large divan règne dans le fond de la pièce, sous des fenêtres si rapprochées qu’elles forment une longue verrière. Les murs sont faits de placards ouvragés, polis et blancs comme l’os, et qui renferment les fontaines d’ablutions et les garde-robes. Très peu de meubles et de bibelots : un régulateur, un miroir à cadre doré, surmonté d’un voile de lin brodé d’or. On s’assied sur le divan : un mince matelas couvrant les coffres de mariage peints d’arabesques et de fleurs vives. Un serviteur, pieds nus, apporte le café sur un plateau de cuivre et le slatko, coupe de fruits confits au sirop, entourée d’une multitude de verres d’eau et de petites cuillers. On m’en offre d’abord, à tous les hommes ensuite, à Marie-Jeanne en dernier lieu, car si elle est l’étrangère invitée, ce n’est tout de même qu’une femme. Je suis très embarrassé de cette foule de cuillers et de verres d’eau. Oui-comme-chéval me tire d’affaire. On prend une cuillerée de confiture et on la mange en tenant un verre d’eau au-dessous, on pose la cuiller sur le plateau et l’on boit une gorgée d’eau. On ne se sert jamais ni de la même cuiller ni du même verre. Autant de cuillerées, autant de cuillers et de verres. Le serviteur les renouvelle sans cesse. Il ne se présente jamais