80 L’ITINÉRAIRE DE YOUGOSLAVIE le maître yougoslave s’est beaucoup inspiré. Cela donne, à Paris, la colonne de l’Alma, hélas! et à Raguse cet escalier bizarre, aussi mal placé que le Grégoire de Nîn, à Split. Le bas-relief équestre de Pierre I" — toujours de Mestrovitch — qui surmonte la seconde porte, se rattache aux condottières vénitiens et est, par conséquent, dans le style de la ville. Il est fort beau. Il faut considérer comme une licence plastique la position des pattes du cheval, les deux droites avançant simultanément, ce qui ne pourrait se voir qu’au cirque. Pendant que j’étais à Raguse, deux soldats de la cavalerie s’en firent des gorges chaudes. Ils ne se plaçaient évidemment qu’au point de vue professionnel. Ils eurent tout de même doublement tort, car, pour s’être moqué du cheval du feu-roi, ils furent arrêtés et mis au cachot « pour crime de lèse-majesté ». La rampe qui descend à gauche de l’escalier est réservée aux corbillards, à l’exclusion des autres véhicules qui ne peuvent entrer que par la Porte de la Mer. Il est bien regrettable qu’on laisse pénétrer les voitures dans la vieille ville, du moins en dehors des heures du marché. Cela fait sur l’admirable place Lutza, devant les plus beaux monuments de Raguse, un parc à autos qui en détruit le rythme et la couleur. La seconde porte de l’ouest, en contre-bas, s’ouvre sur une longue rue droite, le Stradoun, qui traverse la ville d’un bout à l’autre, quelque trois cents mètres. Je ne veux pas, ici, m’en faire le cicérone, pas plus que je ne parlerai des monuments. Tel n’est pas mon lot. Je parle sur un mode impressionniste, j’essaie de faire voir ce que j’ai vu, sentir ce que j’ai senti, donner une image mouvante de la Yougoslavie. Le reste appartient aux baedekers. Ce Stradoun n’a pas le style de la Raguse vénitienne