SKOPLIÉ 143 plié sont les plus beaux de la Yougoslavie. On rencontre sur les routes, on voit travailler dans les champs, des femmes vêtues comme des princesses légendaires. Leurs robes, leurs tuniques à larges manches, de grosse toile blanche, raide et pesante, sont surchargées d’épaisses broderies de laine, noires et bleu-marine. Une coiffe de moniale leur enveloppe la tête et le menton, laissant échapper de longues tresses encore allongées par de faux cheveux, entremêlées de rubans de couleur et terminées par des floches de soie. Les hommes — la plupart ont gardé le costume — ont des braies et de petites jupes de toile blanche, des vestes sans manches, noires, ou brodées d’arabesques multicolores, ou blanches et brodées de noir, et de larges ceintures de tapisserie qui leur recouvrent tout le ventre, Qu’on s’imagine une foule ornée de cette manière, sous le soleil d’un marché sans arbres, entre des échoppes de toile blanche, parmi les poteries, les cuirs et les cuivres, les étoffes bariolées, les amoncellements de pastèques et de melons jaunes, les éventaires de sucreries à l’aniline, les chevaux à colliers de turquoises, les bœufs, les buffles, les ânes bâtés de couvertures mirifiques. Assis devant un petit café musulman, je regarde défiler ces personnages de haute lice. C’est d’une diversité égale à celle de Prizrèn, mais tout à fait différente. Soixante kilomètres à vol d’oiseau, cent kilomètres de route, et l’homme a complètement changé. C’est moins turc, beaucoup plus étrange, une grandeur de style qu’on ne retrouve nulle part fen Serbie du Sud. Les broderies des manches, des poches, sont d’un dessin très simple, géométrique, carrés, losanges, dents de scie, de valeurs peu saillantes. Le poids considérable de ces broderies — cela va dans les dix kilos — n’enlève rien à la grâce robuste de celles qui les portent. Un kolo dansé par ces